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Le porc au menu

Dans une crèche communale, une puéricultrice refuse systématiquement de servir les enfants dont elle a charge lorsqu’il y a du porc au menu. Elle demande à ses collègues de la remplacer. Plusieurs collègues s’en sont formalisées et elles vous demandent de réagir. En tant que directrice de la crèche, quelles seront vos instructions?

Avis juridique

Y a-t-il une obligation légale pour l'employeur à répondre à de telles demandes ? La réglementation anti-discrimination impose des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées mais aucune obligation similaire n’existe pour la conviction religieuse

Néanmoins, le principe de la liberté de pensée, de conscience et de religion induit l’idée de diversité et de pluralisme et protège tant la foi intime d'une personne que ses manifestations externes en mots ou en actes. Ainsi, ne pas examiner une demande d'ajustement concerté concernant les convictions religieuses peut aboutir à une discrimination des travailleur-euse-s.

Il faut trouver un équilibre entre cette liberté des travailleur-euse-s et les intérêts de l'employeur pour qui la charge de l'ajustement doit être proportionnée (impact sur l'organisation et la nature des fonctions, risques de prosélytisme, etc.). Il n'y a pas de solution type mais quel que soit le contexte de l'entreprise, il s'agit de privilégier le principe de concertation et de négocier dans un cadre collectif afin de trouver des réponses qui apportent un bénéfice à tous-tes.

En l’espèce, si une puéricultrice salariée dans une institution refuse de servir aux enfants de la viande de porc qui a été préalablement cuisinée par un tiers (le cuisinier de la crèche), il s’agit d’évaluer si le fait de servir ce type de plat fait partie de ses missions essentielles et si un échange de tâches équitables avec ses collègues est envisageable. Si ce n’est pas le cas, il ne sera évidemment pas admissible qu’une professionnelle fasse primer ses convictions personnelles sur la nécessité de nourrir l’enfant .

Si c'était une gardienne à domicile qui cuisine elle-même, elle peut choisir les menus , à condition de préserver l'équilibre alimentaire des enfants et de respecter les régimes particuliers. Ici, les conditions d’exercice de la fonction de la puéricultrice ne sont pas les mêmes. Dans une institution, refuser de donner le plat prévu (qui contient du porc ce jour-là) équivaut à priver aux enfants de nourriture dans la mesure où rien d’autre ne lui sera proposé. 

Dans ce type de situation, il est important de clarifier le cadre contractuel avec la professionnelle concernée afin de lui rappeler de rester dans ses fonctions, quelles que soient ses convictions personnelles.


Avis au manager

Dans ce type de situations, la pratique révèle que dans certains services une solution à l'amiable est trouvée entre les collègues qui acceptent d'interchanger occasionnellement leurs rôles. Toutefois, ce type d'arrangement doit être formalisé afin d'éviter des situations de tensions interpersonnelles. Il est donc important que le manager puisse initier un processus de réflexion dont le résultat pourra éventuellement être institutionnalisé par l'inscription de règles ou de principes dans le règlement de travail.

Lorsque vous êtes confronté à ce type de demande, même à défaut d'accord entre les travailleur-euse-s, nous conseillons d'initier vous-même la négociation avec votre personnel. Souvent, la façon d’arriver à une solution est tout aussi importante que la solution elle-même. Si la question n'est pas débattue, vous risquez de gérer des rapports de forces nuisibles, des frustrations, de tensions qui peuvent entraîner une escalade. Il est dès lors préférable d’accueillir toute requête afin de respecter le principe de la liberté individuelle.


© Unia • Centre interfédéral pour l’égalité des chances • www.ediv.be